Russie
Casque Défense de Leningrad
Fiche
- Dénomination : inconnu (casque de la défense de Leningrad).
- Destiné aux membres du "МПВО", milices civiles et forces armées de la ville de Leningrad assiégée.
- Coiffe constituée d'une jupe en toile maintenue par deux rivets mécaniques.
- Jugulaire en toile, dont la fermeture est assurée par une boucle coulissante.
- Fabriqué à partir de 1941/42.
- Distribué à partir de 1941/42.
- Pays d'origine : Russie (URSS).
- Période d'utilisation : de 1941/42 à 1944.
- Matériau : acier de composition variable.
- Poids : 1380 g (variable en fonction de l'épaisseur de la bombe).
- Taille : unique.
- Couleur : vert olive.
Historique
La défense anti-aérienne locale est une organisation paramilitaire mise en place par les autorités soviétiques afin de protéger la population et les infrastructures du pays d'une attaque aérienne ennemie. Son origine remonte au lendemain de la première guerre mondiale où de telles mesures ont été mises en place dans certaines régions du pays, notamment en 1918 à Petrograd (Saint-Pétersbourg) pour protéger la population des bombardements aériens.
Jusqu'en 1932, les mesures de défense aérienne étaient divisées en défense active sous l'égide du commissariat du peuple aux affaires militaires et navales et défense passive gérée par des organisations civiles.
Le 4 octobre 1932 est créé l'organisation "Местная противовоздушная оборона" ("МПВО") chargée de la protection des populations contre les attaques aérienne et chimique. Cet organisme est destiné à mener des opérations de sauvetage dans des zones de destruction, ainsi que d'organiser des forces de défense anti-aérienne au sein de districts, entreprises, institutions et zones d'habitation.
Le "МПВО" avait la charge des tâches suivantes : construction d'abris, renforcement des sous-sols pour remplir le rôle d'abri, construction de postes de commandement et d'observation, mise en place de réserve d'équipements de protection individuelle, développement des réseaux de communications et d'alerte, approvisionnement des villes en pénurie, maintien de l'activité dans les entreprises, sauvetage et nettoyage de zones sinistrés, mise en place d'installation anti-aérienne... etc.
En 1940, le "МПВО" est mis sous la tutelle du NKVD. Au début de l'année 1941, plus de 25 000 formations d'autodéfense du "МПВО" (plus de 8 millions de personnes ont reçu une formation en défense aérienne et en protection chimique) ont été créés en URSS. L'organisme dispose alors de plus de 30 millions de masques à gaz et de nombreux abris ont été construits dans les villes et les entreprises du pays.
Avec l'invasion allemande, le Conseil des commissaires du peuple de l'URSS approuve, par décret du 2 juillet 1941, une formation générale et obligatoire à la défense aérienne et chimique pour les citoyens âgés de 16 à 60 ans. La construction massive d'abris débute dans lesquels peuvent être hébergées plus de 20 millions de personnes.
L'opération allemande "Barbarossa", déclenchée le 22 juin 1941, a trois principaux objectifs : au Sud le Caucase avec la ville de Stalingrad (aujourd'hui connu sous le nom de Volgograd), au centre la ville de Moscou et au Nord la ville de Leningrad (aujourd'hui appelée de son ancien nom : Saint-Pétersbourg). |
Front de Leningrad de mai 1942 à janvier 1943. |
Soldats russes sur le front de Leningrad et équipés de casques Ssh 39. |
A la fin du mois d'août, la ville de Leningrad est totalement encerclée. Au Sud par les troupes allemandes bloquées devant les premières fortifications dressées en toute hâte par la population civile. Au Nord par les troupes finlandaises qui atteignent la ligne fortifiée de Carélie qu'ils ne pourront jamais prendre et sur laquelle le front se stabilise jusqu'à l'été 1944. |
Le lac Ladoga sert de voie de ravitaillement, mais le 15 novembre, avec l'arrivée de l'hiver et de l'embâcle, les navires ne peuvent plus passer, ni les camions, la glace n'étant pas assez solide pour supporter leur poids. A partir du 20 novembre 1941, le ravitaillement parviendra désormais aux Russes par convoi de traîneaux tirés par des chevaux jusque mi-avril à travers le lac gelé.
Mi-novembre 1941, le froid et la faim font de terribles ravages au sein de la population. Les rations alimentaires sont une fois de plus réduites, pour la cinquième fois depuis le début du siège. Les ouvriers et le personnel spécialisé ne perçoivent plus que 225 grammes de pain et 1067 calories par jour. Les enfants 150 g de pain et 644 calories. Le 20 novembre, 11 000 civils sont déjà morts de faim. En décembre 1941, 52 000 civils meurent de faim. En janvier 1942, 3 500 à 4 000 civils meurent de faim quotidiennement. Le commandement russe, prend alors la décision d'évacuer une grande partie de la population civile, tout d'abord par camions à travers le lac Ladoga gelé, puis par bateaux. 951 000 personnes seront ainsi évacuées durant l'année 1942.
D'après les chiffres officiels russes fournis au tribunal de Nuremberg, la famine causa la mort de 632 000 habitants de Leningrad. Les soldats sont nourris correctement le plus longtemps possible, mais durant les dernières semaines de l'année 1941, les rations sont à peine suffisantes.
Pendant l'hiver de 1942-43, la voie d'approvisionnement à travers le lac Ladoga, surnommé la "route de la vie", recommença à fonctionner, d'abord avec un trafic de chevaux. Les véhicules à moteur purent être utilisés à partir du 24 décembre 1942. Une voie ferrée fut par ailleurs construite sur la glace en décembre 1942.
Le 18 juin 1942, un oléoduc ("Artère de la vie") posé sur le fond du lac Ladoga fut mis en service. Il était long de 29 km, dont 21 km sous l'eau à une profondeur de 12,5 m. En août, un câble électrique passant par le lac commença à approvisionner la ville depuis la centrale électrique de Volkhov.
L'Opération Iskra, une offensive soviétique de grande ampleur des troupes des fronts de Leningrad et de Volkhov, débuta dans la matinée du 12 janvier 1943. Après de très violents combats, les unités de l'Armée rouge s'emparèrent des zones puissamment fortifiées de l'armée allemande au sud du lac Ladoga. Le 18 janvier 1943, les deux fronts se rejoignirent et ouvrirent un couloir terrestre vers la ville assiégée. Presque immédiatement, les camions et les trains commencèrent à approvisionner Leningrad.
La ville de Leningrad resta soumise à un siège partiel, ainsi qu'à des bombardements aériens et à des tirs d'artillerie, jusqu'à ce qu'une offensive soviétique enfonce les lignes allemandes et lève le siège le 27 janvier 1944.
Tout au long du siège, les importantes industries de Leningrad et ses environs ne cessèrent de tourner malgré l'important manque d'approvisionnement en matière première. Très rapidement, les industries russes firent usage d'ersatz afin de pallier ce manque et continuer à produire les effets nécessaires à la survie de la population assiégée et à la résistance de l'armée en poste autour et dans la ville.
C'est ainsi que furent créés des ersatz de nourriture afin de combattre la famine qui faisait rage au sein de la population, comme la création de saucisses à base de sciure, cuir et viscères d'animaux... etc.
Les importantes usines d'armement continuèrent la production, usant de matériaux de récupération afin de réapprovisionner l'armée. C'est ainsi que armes, munitions et casques furent fabriqués avec des matériaux de piètre qualité.
L'approvisionnement extérieur étant impossible au début du blocus et afin de protéger les personnels du "МПВО", des diverses milices civiles et certaines forces armées, une équipe d'ingénieurs dirigée par M.I Koryukov conçu un casque de fabrication simple sur la base du casque en acier anglais Mark I (dont une certaine quantité fut employée par l'armée rouge au cours des années 1920).
Il fut fabriqué et employé durant le siège de Leningrad. Ce casque, dont nous ignorons totalement la désignation que les autorités soviétiques ont pu lui donner, sera nommé comme casque de la "défense de Leningrad". Il ne s'agit pas d'un casque de combat à part entière, mais une protection créée pour répondre à un besoin urgent dans une situation de crise, avec les moyens du bord. Toutefois ces casques présentent une qualité de fabrication élevée compte tenu des circonstances de production.
D'autres modèles de casques furent aussi produits sur la base des casques Ssh 36 et 39 comme l'atteste certains exemplaires découverts dans Saint-Pétersbourg.
Constitution
La coque :
Vue avant/arrière.
Vue de côté.
Vue de biais.
Vue de dessus.
Défaut d'emboutissage - intérieur. |
Défaut d'emboutissage - extérieur. |
La bombe du casque de la défense de Leningrad a une forme similaire au casque de type "Brodie" adopté par le Royaume-Uni et les États-Unis durant la première guerre mondiale, cependant le casque soviétique est beaucoup plus plat que les casques Mark I anglais et Model 1917 américain. |
La bombe est ensuite peinte de couleur vert olive assez clair, légèrement brillante, à l'instar des équipements métalliques de l'armée soviétique (comme les caisses de munitions... etc.). Des insignes peints peuvent être appliqués à l'avant du casque, fonction de l'organisation au sein de laquelle est destiné le casque (généralement l'insigne propre au "МПВО").
La coiffe :
Tête de rivet. |
Point de fixation avant ou arrière de la coiffe. |
Détail assemblage cerclage et jupe en toile. |
Jupe en toile, réglable à l'aide d'un lacet. |
Coiffe. |
La coiffe est constituée d'un bonnet maintenu en deux points à l'instar des casques Mark I britannique et US Model 1917 employés durant la première guerre mondiale. La construction de la coiffe est proche de celle employée dans le casque Ssh 36 de l'armée rouge. Bien que ces casques soient produits durant le siège de Leningrad avec les moyens du bord, ces productions n'échappent pas à un contrôle de la fabrication comme l'atteste la présence du tampon OTK (pour "Отдел Технического Контроля", soit "Otdyel Tekhnicheskovo Kontrolya" en alphabet latin) dans un cachet de forme carrée contenant un numéro. Cette marque est appliquée par le département de contrôle technique en charge d'inspecter la bonne fabrication, et dont l'application est commune à l'ensemble des effets de l'armée soviétique. |
Marquage de contrôle. |
La jugulaire :
Passant de jugulaire soudé par deux points de soudure électrique. |
Anneau rectangulaire de maintien. |
Détail passage jugulaire dans la boucle coulissante. |
Boucle de réglage coulissante. |
La jugulaire est montée sur deux anneaux rectangulaires, de dimension 24 x 10 millimètres, identiques à ceux équipant les casques de l'armée soviétique depuis le modèle Ssh 36. La base de cette boucle est prise dans une longue bande métallique de dimension 16 x 120 mm. Pliée en deux, elle enchape la base de la boucle et fait office de charnière. |
Cette boucle, fabriquée à partir d'une plaque d'acier évidée, est retenue par sa barre transversale par un trait de couture. L'autre extrémité de la jugulaire coulisse librement dans un des passants du casque puis dans la boucle de réglage et est solidarisé eau passant opposé par couture.
Casque de la défense passive
La coque n'est pas un recyclage de casque US ou Britannique, il s'agit bien d'une fabrication. L'ensemble est plutôt de bonne qualité, il ne s'agit pas d'une fabrication ersatz de guerre. L'exemplaire présenté est dans son état d'origine, y compris la peinture.
La coque est emboutie dans une feuille d'acier qui n'a certainement aucune qualité balistique. Elle est percée de deux trous (à l'avant et à l'arrière) pour la fixation de la coiffe. Deux pontets (de conception identique à celui présenté sur le modèle "Leningrad") sont soudés sur les côtés.
Vue avant (remarquer le rivet). |
Vue de côté. |
Vue de dessus (rivet visible avant et arrière). |
Vue de l'intérieur avec la coiffe et la jugulaire. |
Vue de la coiffe retournée.
La coiffe est composée d'un bandeau de feutre compact de 5 cm de largeur et épais de 5 millimètres sur lequel sont cousus deux tubes de toile. Le premier tube fait 11 centimètres de large, il se termine par un ourlet formant un foureau de 1 cm de large dans lequel passe une ficelle qui permet de régler la coiffe en profondeur (il n'y a aucun réglage du tour de tête). Le second tube fait 3,5 centimètres de large et fait office de bandeau de sudation. Le même tissu est employé.
La coiffe est fixée à l'avant et l'arrière par un rivet qui traverse la coque et le bandeau en feutre, puis se termine par une rondelle précédée d'une plaque en métal de 2 cm sur 10. Sur les côtés, il semble (impossible à voir) qu'un bout de fil de fer soit soudé ou passé derrière le pontet, puis rabattu sur une plaque identique aux autres.
Fixation de la coiffe (avant et arrière). |
Fixation de la coiffe (sur les deux côtés). |
La jugulaire en tissu avec sa boucle.
La jugulaire en deux parties est fabriquée dans le même tissu que la coiffe. Une bande de tissu est retournée plusieurs fois sur elle-même avant d'être aplatie et cousue sur les deux bords. Une première partie retient la boucle alors que la seconde coulisse dedans.
Fixation de la jugulaire au pontet. |
Fixation de la boucle et passage de la sangle. |
Cas particulier
Casque US Model 1917 reconditionné.
Voici un exemplaire particulier utilisé lors de la défense de la ville de Leningrad durant le blocus. Ce casque est vraisemblablement fabriqué à partir d'une coque de casque US Model 1917. |
Membre des forces de défense de Leningrad, armée d'un fusil US 17 ou anglais P14. |
Ce casque a équipé un membre d'une unité de défense anti-aérienne, ayant pu occuper le poste d'artilleur, pourvoyeur, détection acoustique et/ou visuelle, ou manipulation d'un canon de lumière.
Vue de face. Collection JP Soulier |
Vue intérieure. |
Vue de dessus. |
Agrafe de maintien de coiffe. |
Jugulaire.